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L'interview de Jean-Louis JOSSIC

Eric: Qu'est ce qui varie dans cette série de concerts avec le CD de 1998 ?

Jean-Louis Jossic: Ce qui change, c'est que Christophe Peloil de Tri Yann et Jean-Pierre Florent de l'ONPL ont fait les arrangements.
Donc ce n'est pas quelqu'un de l'extérieur, c'est quelqu'un qui soit étant dans l'orchestre soit étant dans Tri Yann connaît notre musique et comment on voit les choses.
À mon avis, les arrangements ont plus de cohérence à cause de cela.
Ce qui change aussi, c'est que l'on a eu un peu plus de temps pour y réfléchir, Le projet avec l'ONPL a plus de 2 ans, on a vraiment eut le temps de le mûrir.
En faisant " Marines ", nous savions que certains morceaux seraient plus intéressants avec un orchestre symphonique (comme " Marie-Jeanne Gabrielle " par exemple).
Dans les arrangements qu'a fait Christophe pour " Marines ", il se disait déjà " on fera comme ça quand on sera avec l'ONPL ".
Ce qui change aussi, c'est que l'on a déjà bossé ensemble, on commence à se connaître d'avantage : avec Hubert soudant, il y a une véritable amitié qui est née, avec les musiciens aussi.
C'est intéressant, car personnellement, en tant que conseiller municipal à la ville de Nantes, je suis au conseil d'administration de l'ONPL. Je les connais maintenant sous un angle tout à fait nouveau, puisque j'ai fait de la musique avec eux, pour moi, c'est très différent.
Ce qui a changé aussi je crois, c'est notre attitude sur scène : la première fois en 1998, les Tri Yann étaient extrêmement proches d'une attitude classique.
Cette fois-ci, Hubert Soudant a tenu à ce qu'on se lâche un peu plus : qu'il y ait des présentations entre les morceaux et des contes, il a même accepté ma proposition de faire chanter la salle.

Eric: Tout cela doit être compliqué à mettre en place techniquement.


Jean-Louis Jossic: Oui, et il y a eu moins de répétitions qu'à la première série de concerts.
Hubert Soudant a dû se dire : " j'ai déjà travaillé avec les Tri Yann, on se comprend bien, on va faire plus efficace et plus vite ".
Par contre, nous étions plus tendu le premier soir.
À mon avis, ça s'est senti (même si le public nous dit le contraire), je nous ai senti plus tendu.
Par contre le second soir, on était plus détendu, car on a maintenant vraiment l'habitude de travailler ensemble.

Eric: Est-ce que tu peux nous parler des autres intervenants dans ces concerts ?

Jean-Louis Jossic: C'est la 4ième chose qui a changé.
Hubert s'est un peu enhardi et nous as dit : " cette fois-ci invitez des amis ! ".
Ça va de soi que nous allions inviter un bagad, et que ce serait le Bagad de Nantes.
Je les connais bien et pour eux c'est valorisant, c'est une découverte humaine et musicale de jouer avec un orchestre symphonique, ils n'ont jamais fait ça.
Et puis, on a eu envie des choeurs.
Paul Colléaux qui a dirigé les choeurs de l'ensemble vocal de Nantes s'occupait de l'enseignement de la voix au conservatoire de région de Nantes.
C'est un type d'une valeur humaine extraordinaire, très exigeant sur le boulot.
Je l'ai découvert en 1989 en entendant par hasard l'ensemble vocal de Nantes sur France Musique : Diapason d'Or !
Je ne savais pas à l'époque que l'on avait quelqu'un de cette valeur à Nantes.
D'une culture musicale totalement différente, de la musique baroque. Je l'ai côtoyé à la Mairie de Nantes et lui ai dit que l'on aimerait beaucoup travailler avec lui.
Il se trouve que lui aussi.
Ses choeurs sont des " baroqueux " et ils se sont inclus dans le spectacle vraiment avec un très bon esprit.
Et puis il y a aussi Bleunwenn.
Depuis que Bleunwenn a quitté le groupe, elle a vraiment fait son chemin.
Elle a chanté avec Dan ar Braz et Carlos Nunez.
Elle fait du lyrique.
Elle n'a toujours pas fait son album perso, mais il faudrait qu'elle y pense.
Elle a vraiment beaucoup de cordes à son arc.
Comme en plus elle est à cheval sur cette culture classique et traditionnelle, c'était évident de l'inviter.
Non seulement elle chante en soliste le " Bro gozh " et " Korydwenn ", mais en plus elle chante dans les choeurs avec l'ensemble vocal.
" Korydwenn " est un dialogue entre un homme et une femme et j'adore le chanter avec elle.


Ce qui est aussi passionnant dans ce métier-passion, c'est de faire des spectacles très différents avec des musiciens différents.
Tu vois, on a fait Celtica en juin 2004 à Nantes, dans un Stade de 38 000 personnes, où il faut faire beaucoup de choses visuelles, où il faut arriver à soulever ce public qui est assis depuis 3 heures sur des sièges inconfortables et qui se les gèle...
Tout d'un coup, 3 semaines après, tu te retrouves avec un orchestre symphonique, des gens qui sont assis dans des fauteuils en velours (comme à la Cités des Congrès de Nantes), qui n'ont pas forcément envie de bouger et sur une scène où l'on va porter une tenue classique mais inspirée de la tradition bretonne (bien sur, on ne va pas se déguiser en goéland !).
À 3 semaines d'intervalle, tu as deux façons totalement différentes de jouer, avec des titres différents (on ne va pas faire " la jument de michao " avec l'onpl, ce serait " pompier " !).
Tu me demanderais quel spectacle je préfère, je ne pourrais pas te répondre.
Il y a des spectateurs qui ont vu les deux et qui ont adoré les 2 spectacles.
Pour nous c'est un grand bonheur de pouvoir faire ces deux choses totalement différentes.

Eric: Qu'est-ce qui fait que ce genre d'aventure avec un orchestre symphonique est possible surtout 4 fois de suite ?

Jean-Louis Jossic: Je crois que c'est rare parce que les propositions sont rares.
Tri Yann a la chance d'avoir un type de musique à cheval sur beaucoup de styles différents et qui intéresse plusieurs publics .
Hubert Soudant, quand il nous a écouté, a entendu des ballades, de l'acoustique, des influences de musique ancienne.
La raison fondamentale pour que ce spectacle soit possible, c'est qu'un chef d'orchestre ait vraiment envie de faire ça.
Tri Yann ne peut pas se permettre de payer 140 musiciens, il faut que ce soit l'ONPL qui décide d'organiser ce type de concert dans sa tournée annuelle.
Chez les musiciens, parfois beaucoup plus que chez le public, il y a cette ouverture d'esprit qui consiste à apprécier la musique de l'autre même si ce n'est pas du tout la musique que l'on fait.
La première fois que nous avons joué avec l'ONPL, les musiciens de l'orchestre étaient très curieux de découvrir nos instruments traditionnels ou électriques (sax midi, cornemuse, psaltérion etc..).


Eric: Parfois il y a une volonté des musiciens de jouer ensemble mais l'institution et les organisateurs ne suivent pas toujours tant l'organisation d'un tel projet est lourde ?

Jean-Louis Jossic: L'ONPL est un orchestre public financé par des fonds publics.
Ils intègrent ce type de concerts dans leur programmation car ils savent aussi que ça va plaire à leurs abonnés.
Avec un orchestre privé, ça ne serait sûrement pas possible.
L'ONPL estime qu'en tant que service culturel publique, ils ont aussi à présenter ce type de spectacle et pas seulement Mozart ou Bartok.
Et ils se donnent les moyens de le faire.

Eric: Les projets futurs de Tri Yann ?

Jean-Louis Jossic: Se mettre dès la rentrée de Septembre 2004 sur le nouvel album.
Notre album qui doit se passer sous la mer est pour l'instant très très en dessous... puisque la première note de musique n'est pas encore écrite... donc il va falloir attaquer ça.
En même temps on continue la scène, car si on dit que l'on arrête de tourner pour travailler uniquement l'album, on devient fou : j'ai besoin de la scène, c'est une façon aussi de rester en contact avec un vrai public.

Eric: Des changements dans le spectacle et sa mise en scène ?

Jean-Louis Jossic:
Non, pas de gros changement tant que le prochain album ne sera pas sorti. Ce que j'ai envie de faire, en attendant, c'est changer une partie des morceaux du spectacle et les arrangements d'autres morceaux.
La jument de michao par exemple : je trouve la pauvre bête très fatiguée et je voudrais qu'on la retrouve avec une autre fraîcheur !

Eric: pas de changement de costumes ?

Jean-Louis Jossic: ils arriveront avec le prochain album également, on abordera le fond de l'eau et ça risque d'être très étrange...
Y a pas d'raisons qu'on se calme (rires) !






© Eric DOLL maj 16 aout 2004, photos et réalisation Eric DOLL, tous droits réservés