Mode d’Emploi:
Pour consulter les réponses aux questions , cliquez sur la photo de chaque musiciens (si vous ne connaissez pas les membres du groupe allez faire un tour ici).
Je profite de ces quelques lignes pour remercier tout le groupe Tri Yann pour son amicale et sympathique participation à cette interview que j’ai pris grand plaisir à réaliser.
Un grand merci également à Denis, trianaute d’honneur, pour son aide active (Denis anime TRADLOR, site complet au sujet de la musique traditionnel en Lorraine)
alors Bernard Baudriller était très vite le quatrième et maintenant, il est prof de musique et dirige une école de musique dans la région de Poitiers.
Mylène Coué, je n’en sais rien, on l’a vu récemment aux 25 ans de Tri Yann, elle était en pleine forme, elle a même chanté.
Et puis, Bruno Sabathé, lui, fait toujours de la musique avec une autre troupe. Il a monté un spectacle qui s’appelle « Les p’tites affaires » qui tourne très bien. On le croise de temps en temps. Il était par exemple au festival d’Avignon cette année.
Jean Chocun : Qu’est devenue Mylène Coué ? Elle a grandi en âge et en sagesse. On l'a
voit de temps en temps, elle
travaille à l’office du tourisme dans la région de Guérande. Elle n’a pas
vraiment quitté le milieu musical ou de
l’animation en tout cas. Elle doit toujours chanter, elle joue de l’accordéon
également.
Bruno, on se voit très souvent, il fait parti d’un groupe que j’ai déjà vu deux ou trois fois en scène. C’est très sympa. Bruno est un mec que j’apprécie particulièrement, je ne suis qu’enthousiaste par rapport à ce qu’il fait.
Bernard Baudriller, c’est un ami de la première heure. Même s’il a quitté le groupe depuis longtemps, on est très souvent en relation. Il n’habite plus la région nantaise, mais il s’occupe toujours de musique. C’est quelqu’un que j’ai au téléphone à peu près une fois tous les trois mois.
Denis : Avez-vous toujours des rapports avec eux ?
J.P. Corbineau : Des contacts, oui, mais on les voit quand même assez peu. Je sais que Jean
rencontre encore
assez souvent Bruno Sabathé. Moi, un petit peu moins. On n’est pas fâché, bien sûr,
c’est la vie qui est comme
ça, et qui fait qu’on se croise un petit peu moins. Bernard vient nous voir de temps en temps
à un spectacle, il
chante avec nous, c’est bien d’ailleurs. Quand il est là, il monte et on fait une complainte
ensemble, comme
« Le soleil est noir ». Il a participé au dernier disque, il a chanté dans plusieurs
morceaux de « Portraits »,
notamment « Madeleine Bernard » et « La Délivrance ».
Eric : On connaît bien l’histoire de membres fondateurs du groupe, mais on
connaît moins le parcours musical des autres membres...
J.P. Corbineau : Il faudrait le leur demander. Je ne vais pas répondre à leur place, je
préfère que tu leur
demandes directement, car je risquerai de dire des bêtises. Tri Yann vient de différents
horizons. On a tous des
formations musicales différentes et on se réunit autour de cette musique-là,
et c’est ce qui fait la variété du
groupe et du son. Nos influences sont très différentes.
C. Le Helley : Mon parcours, je vais essayer de faire court. C’est l’histoire de quelqu’un qui
commence par
l’école de musique, qui rencontre un professeur de musique au collège qui m’initie
à la musique bretonne. Je
me retrouve en même temps à faire des fest-noz quand j’avais une quinzaine
d’années, plus tard, les groupes de
rock à vingt ans, des groupe un petit peu jazzy avec les copains, accompagner des
chanteurs, continuer à
travailler la musique classique, à pas savoir vraiment ce que je voulais faire. Après,
j’ai eu plein d’expériences
avec des groupes divers, des groupes africains, des groupes bretons. Un jour, je rentre dans Tri
Yann, et j’arrive
à essayer de mélanger un peu toutes ses influences.
G. Goron : Mon parcours musical, c’est un gamin des rues qui fait du rock n roll pour s’exprimer
quand il est
jeune. Et un jour, j’arrive en Bretagne, par rapport au groupe de rock avec lequel je jouais, je faisais
du bal
aussi à cette époque-là, et on a rencontré Gilles Servat qu’on
accompagnait. Et puis, j’ai connu Tri Yann
lorsqu’on a fait la tournée Chapiteau 73, dans laquelle il y avait Servat, Tri Yann, Les
Aventuriers et pas mal
de chanteurs bretons. Le jour où Tri Yann a cherché un batteur, ils ont fait appel à
moi, et comme on était
devenus copains, ça s’est fait comme ça. Faut dire qu’avec Servat, j’avais appris à connaître
la celtitude, et tout
ce qui est celte, toute la Bretagne, j’étais rentré complètement dedans.
Après, Tri Yann, il y a un pas à franchir
et c’est tout. Et comme c’était des copains, c’était assez facile.
J.L. Chevalier : Mon parcours musical, tu le sais, non ? Tu ne sais pas ! Bon, il faut le dire, quoi.
Donc, c’est
Magma pendant sept ans, puis un an avec Catherine Lara, et de nombreux enregistrements de jazz.
En règle
générale, j’aime bien le mélange des genres musicaux, un mélange
de race : noire, jaune, blanche.
Extraordinaire ! Et mon rôle dans Tri Yann est un peu plus rock, jazz, et pas forcément la
musique
traditionnelle, sans quoi, il n’y aurait pas addition de guitare électrique et de guitare basse.
J’ai enregistré pas
mal de disques en jazz notamment, avec des musiciens de toutes les couleurs., dont les deux
derniers albums
qui sont enregistrés avec un Big Band.
L.M. Seveno : Mon histoire musicale a commencé à la maison, parce que mes
parents faisaient un peu de
musique, mon père jouait de l’orgue et ma mère jouait du pipeau. J’ai
commencé à apprendre à jouer du pipeau
quand j’avais six ans. Ensuite vers quatorze ans, j’ai une grand-tante qui est morte et qui avait un
violon.
J’allais souvent la voir chez ma grand-mère avec qui elle habitait. J’ai pris le violon,
comme ça pour essayer, et
c’était l’époque de Stivell à l’Olympia qui sortait. Au bout de deux ou trois
mois, j’arrivais à jouer le Pop Plinn.
Le violon, ça m’intéressait bien. Et pendant cinq ou six ans, on a fait pleins de festou-noz
avec mes frères et
soeurs. Ensuite, vers vingt ou vingt et un ans, j’ai commencé à prendre des cours de
basse avec Jean-Luc, le
guitariste de Tri Yann. Je me suis intéressé à d’autres musiques que les
musiques traditionnelles, j’ai appris à
lire la musique. J’ai écouté pas mal de jazz moderne. Pendant ce temps-là,
j’étais ébéniste, restaurateur de
meubles anciens, et un jour, j’ai reçu un coup de fil comme quoi ils recherchaient un bassiste
violoniste. En fait,
je ne faisais plus de violon depuis six ans, je ne faisais plus que de la basse. Je ne leur ai pas dit, ils
m’ont fait passé
une audition, j’ai bossé en reel irlandais, et j’ai été pris. En fait, ils
cherchaient quelqu’un qui savait deux ou
trois trucs pour remplacer Bernard qui partait.
Denis : On demandera aux intéressés ce qui les a motivés à
rejoindre le
groupe, mais on voudrait savoir également ce qui vous a motivé à accueillir
ces nouveaux musiciens ?
J.P. Corbineau : Nous, si tu veux, lorsqu’on a commencé, il y a près de trente ans
maintenant, on avait une
formule très acoustique, proche du folk Bob Dylan, Hugues Aufray (guitare sèche,
banjo, contrebasse), et on a
trouvé que si on voulait étoffé un peu les arrangements, si on voulait avoir
une musique plus variée, on avait
avantage bien évidemment à accueillir d’autres instruments. Dans un souci
d’ouverture, et pour étoffer un
spectacle, il fallait trouver un son plus proche d’une ambiance celte. En fait, au départ, on
faisait de la chanson
bretonne, une formule un peu américaine, alors qu’en accueillant Christophe, qui est
arrivé avec une veuze.
C’est lorsqu’on est passé à la formule électrique, on a eu besoin d’un
batteur. Tri Yann a toujours été un
mélange entre l’acoustique et l’électrique, les instruments contemporains et les
instruments traditionnels, et
tous les gars qui sont rentrés dans le groupe nous ont ramené tout ça. Ils sont venus
avec leurs instruments, et
ça a permis d’élargir la palette de sons et d’arrangements. Ca a forcément
contribué à l’évolution de Tri Yann.
Autrement, on se serait sclérosé dans un son qui serait toujours le même. Une
guitare sèche, c’est formidable,
mais ça donne toujours un son de guitare sèche. Alors que sur une guitare
électrique, il y a des milliers de sons.
Eric : Quelle a été votre motivation à rejoindre le groupe, et qu’est ce qui
vous
poussera à le quitter ?
C. Le Helley : La première motivation à rejoindre le groupe, c’est quand j’avais
quinze ans, comme beaucoup
de gens de ma génération, j’écoutais beaucoup Tri Yann. La
deuxième, c’était malheureusement un petit peu dû
à l’échec d’un groupe dans lequel je jouais à cette
époque-là, qui tournait un peu en rond, et qui m’a donné
envie d’aller voir ailleurs. Qu’est qui me ferait quitter le groupe ? Non, actuellement, tout va bien.
Comme dans
toute expérience humaine, on est sept, on a tous des choix, des avis pas forcément
identiques sur ce qu’on fait.
Le jour où je n’arriverai pas à faire entendre du tout, même pas 1/7 ième, dans ce
cas, oui, j’arrêterai si je sens
que je n'ai pas la possibilité de m’exprimer. Je crois que ce n’est pas un hasard si on est tout
les sept dans Tri
Yann. Je crois que tous les sept, on a en commun de n’appartenir à aucune chapelle, on
vient d’horizons
différents, et on n’est pas complètement à chaque fois dans une famille de
musiciens. Tant qu’on ne s’est pas
engueulé avec chaque individu, on ne fait pas partie d’une famille. Tri Yann, c’est un
groupe soudé. A chaque
fois que quelqu’un se barre de Tri Yann, il ne vide pas les casiers. Je ne l’ai jamais dit, mais le jour
où je suis
rentré dans Tri Yann, Bruno est venu me voir. Il m’a filé toutes les partoches, il m’a
même dit dans quelle
direction travailler. Il y a une passation de pouvoir. On a travaillé ensemble pratiquement
comme si Bruno était
encore dans le groupe.
G. Goron : Ce qui me ferait quitter le groupe ? Je ne sais pas. Si un jour, je me retrouve en vacances
sur une île
déserte et magnifique, et que je n’ai pas envie de revenir, ou s’il n’y a plus ni d’avions, ni
de bateaux et que je
sois bien obligé d’y rester. Comme Christophe, bien sur, que la vie de groupe, comme toute
vie à plusieurs
personnes, il y a des moments plus difficiles, des moments de conflits, mais des moments de
tellement de
bonheur aussi dans ce boulot. Je crois que tous les moments de bonheur avec le public, ça
enlève tous les
problèmes qu’on peut avoir. Dans Tri Yann, il y a sept personnes, mais sept personnes qui
se connaissent très
bien, sept personnes qui ont le respect de l’autre, et il y a une histoire d’amour entre les gens. Je ne
vois pas
comment on pourrait casser ça. On s’y sent bien, on y est bien, on participe. Il y a tellement une
histoire, on a
tellement de choses encore à faire, à dire ensemble, qu’on a envie de le faire et je
ne vois pas pourquoi on se
priverait de ces choses-là. Pourquoi on se priverait d’un jour à l’autre, de quitter le
groupe et ne pas pouvoir
mener à bien ce qu’on a envie de faire, tous ensemble et permettre à chacun de
faire passer ses idées aussi. Les
gens, qui un jour, ont quitté Tri Yann, on peut penser à Bernard qui à une
époque, était fatigué de la route, était
fatigué de ce métier, et n’avait plus l’énergie nécessaire et qui a fait
le choix de partir puisqu’il ne s’y sentait
plus bien. Je ne pense pas que c’était par rapport aux gens avec qui il était, c’est
par rapport au métier qui n’est
pas si facile que ça. Quand on part en tournée, cinq, six jours, on ne dort pas toujours, il y a
une vie de famille à
concilier, et quand on rentre chez soi, il faut réapprendre à parler avec les siens, et
peut-être que Bernard a
craqué à cause de ça. Christian, par exemple, il ne pouvait pas supporter de vivre
à plus de trois kilomètres de
chez lui, ce qui était difficile dans la vie de tournée qu’on pouvait avoir. Bruno,
musicalement, il avait envie de
voir autre chose. Bernard est resté près de quinze ans, Bruno est resté
près de sept ou huit ans, Christian est
resté six ans. Ils ont fortement imprimés le groupe à chaque fois qu’ils sont
passés et ils ne sont jamais partis
sur un coup de tête. C’est des gens qui avaient de faire autre chose, ou qui ne pouvaient plus
assumer ce métier.
Des conflits de personnes, il y en aura toujours, mais on est bien obligé, pour pouvoir se
connaître, de se
pousser chacun dans nos retranchements. La preuve, c’est qu’aux 25 ans de Tri Yann, ils sont tous
venus.
J.L. Chevalier : Dans, Tri Yann, on habite tous à Nantes. C’est des amis depuis très
longtemps, et je répète
encore une fois : j’aime toute musique confondue. J’ai un rôle rock, jazz pour jouer les musiques
celtiques et
autres, une espèce de fusion entre musique traditionnelle et autre, c’est pas de la musique
de puriste.
Parallèlement, je joue avec pleins de musiciens en même temps, en duo de guitare ou en
trio. Tiens, avec
Loumi, on a un truc avec des musiques traditionnelles hindoues, pakistanaises, tunisiennes, arabes,
et celtique
aussi de temps en temps , qui vire à l’improvisation avec un bourdon.
L.M. Seveno : Ce qui m’a motivé à rentrer dans le groupe, c’est que je ne voulais
faire que de la musique à un
moment ou un autre. Mon boulot d’ébéniste me plaisait bien, mais ce que je voulais
vraiment faire, c’était
luthier. Comme je n’avais pas vraiment de débouché, je n’avais pas fait
d’école de lutherie, je pensais toujours
à la musique dans ma tête. J’avais prévenu mon patron que si jamais je trouve un
plan de musique où je peux
en vivre et laisser mon boulot, je le ferai. Et c’est arrivé peu de temps après, sur un
coup de fil, c’est un hasard.
Qu’est ce pourrait motiver ma sortie du groupe ? C’est une question difficile, parce que ça
dépend de ce qui se
passe dans le groupe. Il y a des époques plus ou moins dures, tout dépend de ce qui
se passe dans un contexte
général. La question ne se pose pas pour l’instant. Il faudrait me proposer une place
dans un autre truc qui me
plaît vraiment. Ca peut être des raisons personnelles, des raisons extérieures au groupe. On
a tous des options
différentes, et c’est ce qui fait qui il y a un truc dans le groupe, c’est qu’on amène
chacun des idées un peu
extérieures à ce que aime le groupe en général. Et ça le fait
évoluer ainsi petit à petit. On ne peut pas non plus
se dire : on est réformateur du groupe et on va les faire jouer de telle façon. C’est ne pas
possible. Il y a un
passé, un public derrière, et on est obligé de respecter une certaine
idée musicale du groupe, même si on n'y
adhère pas toujours totalement.
Denis : Quelle est votre personnalité au sein de Tri Yann ? Qu’y avez-vous
apporté ?
G. Goron : Quand tu arrives dans Tri Yann, ce n’est comme dans d’autres groupes, où il y a des
personnalités.
Chaque personnalité, à mon avis, est une personnalité forte dans Tri Yann .
Ce n’est pour se vanter de ce qu’on
apporte, mais, dès que quelqu’un arrive dans Tri Yann, il est obligé de s’investir. Si
quelqu’un ne s’investit
pas, il ne peut pas rester dans le groupe. Moi, j’ai amené ma culture rock à
l’époque où Tri Yann s’électrifiait.
Bien sur que chacun participe aux arrangements, chacun compose, chacun amène ses
idées, chacun amène des
morceaux. Dans le groupe, il n’y a pas quelqu’un qui compose, qui arrange. Jean-Louis
écrit des paroles, et j’en
ai écrit aussi. On pourrait dire qu’il y a trois tendances dans le groupe : il y a les trois Jean,
les trois personnes
de base, qui chantent et qui ont emmené tout le début. Après, Jean-Luc et
moi, on est sans doute plus rock n
roll, et puis Loumi et Christophe sont le coté folkeux plus acoustique, mais ce n’est pas
péjoratif. Tout ça mêlé,
fait du rock folk médiéval.
L.M. Seveno : Mon apport dans le groupe ? Au début que j'étais là, ils
m’avaient demandé de faire un reel
irlandais, parce qu’ils n’en avaient pas avant. On a fait un truc et ça a fait un carton pendant six
à sept ans. On
finissait le concert par ce morceau, et je finissais sur une civière, tous les gens s’en
rappellent. On en parle
encore. J’ai amené également l’arrangement de « La Jument de Michao », bien que
je n’y pensais pas du tout
d’une façon rock n roll. Je n'ai pas cette culture-là, Et Jean-Luc, en voyant la grille, a dit :
Tiens, on pourrait le
jouer comme ça. J’ai répondu : Pourquoi pas.
J.P. Corbineau : Dans le groupe, les gens ont en général des domaines où ils sont un peu plus spécialisés :
certains sont meilleurs dans les arrangements, d’autres pour trouver des mélodies ou les composer. Par
exemple, les paroles sont très souvent écrites par Jean-Louis. Mais ça part souvent d'émotion, ou de fait qui
nous ont tous touchés. Lorsqu’on écrit un texte, actuellement, ça correspond à des choses que l’on ressent,
autrement on ne pourrait pas le chanter. Pour l’affaire Seznec, on a tous adhérer à cette histoire extraordinaire,
ce breton qui a été condamné au bagne pour un crime qu’il n’avait pas commis, et on a eu effectivement envie
d’embrayer derrière le combat de son petit fils, et donc, tous les textes qu’on chante là, on les ressent très fort.
C’est Jean-Louis qui écrit les plus beaux textes, et c’est lui qui les fait pratiquement tous. Il s’occupe souvent
aussi de la direction artistique. Jean s’occupe beaucoup de l’administratif du groupe, mais ce qui ne l’empêche
pas d’être musicien avec le groupe. Moi, je suis là surtout pour chanter, mais j’aime bien chercher des mélodies
aussi. En ce moment d’ailleurs, tout le monde cherche des mélodies ; On est en train de préparer un nouveau
disque, on a écouté des milliers de morceaux chacun dans notre coin. On les propose, il y a en a un certain
nombre de gardées, et puis comme ça, d’écrémage en écrémage, on arrive à garder vingt ou vingt-cinq titres.
Mais ensuite, certains feront les arrangements. Par contre, lorsque quelqu’un amène un arrangement, on se
réunit et on en parle. L’optique du morceau sera choisie par l’ensemble du groupe.
Eric : Quelles sont vos références en matière de musique médiévales ?
J.P. Corbineau : Pour cette question, adressez-vous à Christophe. C’est lui qui a amené un plus médiéval au
groupe, il est passionné par le sujet, et on retrouve plus cette coloration dans le dernier disque. On aimait déjà
cette musique, mais, il a amené un plus avec ses instruments. C’est en grande partie sa griffe.
C. Le Helley : Malheureusement, cela fait longtemps que je n’ai pas écouté de musique médiévale. J’aime bien
pas mal de groupes allemands, la musique médiévale allemande, parce qu’on y sent bien les influences qui
viennent d’une part, de la celtitude, d’autre part, des pays arabes. Je pense à (Barbara Tochton), qui est une
chanteuse que j’adore. Des références, pas forcément médiévales, mais c’est des choses comme Malicorne, qui
m’a beaucoup marqué quand j’étais plus jeune. Je n’ai pas grand-chose qui me vient à l’esprit actuellement. On
est écoute beaucoup, et je ne suis pas le seul dans le groupe.
Eric : Suite à un débat récent sur la musique techno, avez-vous un avis sur ce
type de musique ?
J.P. Corbineau : On a eu une expérience techno, contrairement à ce que les gens pensent. Suite au succès d’un
disque de Deep Forest, Dao Dezi a décidé de faire une bande techno sur de la musique celte, et là, ils avaient
choisi entre autres « La Jument de Michao », et ils étaient coincés pour le chanter. Ils ont fait appel à nous pour
chanter sur la bande techno. C’est une expérience amusante, parce que nous ne fermons jamais rien. On aime
toutes les expériences musicales, d’autant que leur disque avait une qualité musicale certaine. Ca, c’est pour le
coté positif des choses. Ce n'est pas notre musique et si vous me demandez personnellement et probablement
aux autres membres, on n’aime pas cette musique-là. Ce n'est pas notre musique, ça a été une expérience, mais
on n’est pas près de faire de la techno, on la laisse aux autres. Mon avis sur la techno, c’est une musique que je
ne ressens pas du tout, je la trouve très artificielle. Je suis quelqu’un qui aime les choses vraies, et par le nom
même de cette musique (techno, technique), c’est quand même très préfabriqué. Je ne ressens pas cette
musique-là, elle ne m’émeut pas et je ne l’aime pas. Mais, je reconnais que ce disque auquel nous avons
participer, quand la techno est faite comme ça, il y a quelque chose quand même . Par exemple, quand Denez
Prigent chantait « Ti Eliz Iza », c’était très beau. Donc, il ne faut pas fermer les choses, je réponds globalement
que la techno, ce n’est pas notre truc, et que je n’aime pas cette musique, mais, il y a quand même des
ambiances qui peuvent faire flasher par moment .
Denis : Peut-on considérer qu’il s’agit d’un vrai courant musical
correspondant à un besoin de société ?
J.P. Corbineau : Ca correspond forcément à un besoin de société, puisqu’il existe. Je regrette que les gens aient
besoin de ça.
Eric : Comment
expliquez-vous le regain d’intérêt du public pour les musiques
traditionnelles ?
J.P. Corbineau : Je crois que toute la nouvelle génération qui vient à cette musique et entre autres à Tri Yann, a
un avenir et une vie très fragile. Ils se baladent un peu sur un fil, et ne savent pas exactement de quel coté ils
vont tomber. Leur avenir est incertain. Cette musique-là est très forte, très ancrée, à du poids, des racines
très profondes et c’est quelque chose de très costaud. Effectivement, ils redécouvrent leurs racines, qu’il y a des
choses solides, des musiques qui datent, qui ont une histoire, une existence. Donc, pour eux, c’est très
important du fait de la fragilité de leur vie. D’autant que la convivialité des spectacles de Tri Yann, par
exemple, fait qu’on aime venir faire la fête avec nous ou ressentir une émotion tous ensemble. Il y a une espèce
de veillée du troisième millénaire, comme on dit, qui se fait autour des spectacles de Tri Yann, où on vient se
rassurer un peu. Regarde ! Tout ce qui est sujet au rassemblement en ce moment, dès qu’il y a une bonne raison
pour faire un rassemblement, ça marche très fort. Les gens ont besoin d’être ensemble, de se sentir ensemble
autour de quelque chose de costaud. Nous avons la chance de tomber dans ce créneau-là. Moi je pense que cette
musique n’a jamais stoppé , Tri Yann n’a jamais stoppé, les années 80 ont correspondu à un plat, ça a arrêté de
monter, mais on n’a pas dégringoler, mais la nouvelle génération a tout multiplié par trois ou quatre.
Denis : Dans un article, J. F. Dutertre pose la question suivante : « Comment
apprécier quelque chose qu’on ne connaît pas ? Le manque de diffusion dans
les médias est le principal problème des musiques traditionnelles
françaises. » Est une fatalité et peut-on vivre sans les médias ?
J.P. Corbineau : Tri Yann en est la preuve, on n’est pas les plus malheureux médiatiquement, mais n’empêche
que lorsque les mélodies sont belles, populaires, les gens les accrochent, les retiennent sans passer par les
médias. Faut savoir qu’en ce moment dans les médias, il ne reste plus grand-chose pour passer à la télé et les
faire connaître. Il n’y a plus beaucoup d’émission de variétés, et j’allais dire, ça nous arrange, comme on n’a
pas été favorisé dans ce domaine-là, du coup, tout le monde se retrouve à égalité, musique traditionnelle ou
non. Sans diffusion médiatique, cette musique peut-elle être populaire ? Je ne crois pas. Tri Yann est la preuve
du contraire puisqu’il n’y a personne en ce moment qui fasse autant de monde et vendent autant de disques. Je
le dis avec beaucoup de simplicité, c’est une constatation. On regarde ça avec un regard tout à fait étonné. On
ne trouve pas ça naturel du tout. On est vraiment très émut de voir ces salles entières de jeunes de 10 à 20 ans
qui hurlent nos chansons, alors qu’ils n’étaient pas nés quand on a commencé. Et ils n’ont pas eu besoin de la
radio pour les découvrir. Tri Yann n’est pas dans les individualités les plus malheureuses en ce qui concerne la
diffusion : on a de la radio et on a de la télé. C’est vrai qu’on ne les étouffe pas et qu’on ne les a jamais
étouffés. On n’a pas eu des masses de prime-time .
Denis : On vous a récemment vu nominé aux victoires de la musique avec une
défaite sur laquelle on ne reviendra pas...
J.P. Corbineau : mais si, on va y revenir, parce que pour nous ça n’en été pas une. On n’a pas gagné, c’est sûr,
mail il faut savoir qu’il y a des milliers de groupes qui voudraient être dans les trois nominés. Nous, on y était,
et on en est très fier et très content. D’autant, que c’est le métier qui vote et qu’on a toujours eu du mal à
s’imposer dans le métier. Ca nous a fait plaisir que pour une fois, ils disent : Tri Yann dans les trois, oui ! Je ne
te cache pas, vu qu’il y avait I Muvrini, qui l’avait fait deux ou trois années durant, on s’attendait un peu à ce
qu’ils gagnent. On ne voit comment on pouvait leur refuser une troisième ou quatrième fois, ils le méritaient
largement. C’est un groupe fabuleux et on trouve tout à fait normal qu’ils aient gagné. On n’a pas considéré ça
comme une défaite, je ne veux pas dire qu’on a gagné, mais, on était tellement content d’être là.
Denis : Bien, maintenant, on vous donne les clés, et on vous demande à vous
de décerner une victoire en matière traditionnelle ou autre ?
J.P. Corbineau : Moi, je ne décerne pas de prix. Il y a tellement de choses qu’on aime. Tu essaieras avec les
autres. Il y a tellement de gens qui méritent le prix.
J.L. Jossic : Si on n’a pas le droit de la décerner à nous, évidemment. Je la décernerai à Tri Yann. Je crois,
parce qu’à partir du moment où on effectue un boulot, et qu’on en est fier, et où on estime qu’on a raison de le
faire comme ça, si on n'est pas capable de dire qu’on se décerne une victoire la musique, c’est qu’on n’a pas
confiance en soi et qu’on n’aime pas ce qu’on fait. Je crois que ca n’est pas avoir la tête qui enfle, que de dire
ça. D’autant, que dans notre catégorie, musique traditionnelle, musique du monde, un peu à l’hexagonale, ceux
pour qui on pourrait plaider en dehors de nous, l’on déjà eu. Je pense à Dan Ar Bras ou à I Muvrini, donc
pourquoi pas à nous maintenant. Dans la catégorie classique, j’aurai tendance à dire Gustave Léonard, qui est
un grand de la musique baroque. Et dans la variété, je ne vais pas donner de nom, c’est très difficile, mais je la
donnerai à un jeune. C’est-à-dire à quelqu’un qu’on ne connaît pas encore suffisamment et qui est en devenir,
parce que je crois que ça peut lui servir. Donner une victoire de la musique à Aznavour pour l’ensemble de son
œuvre, c’est sympa, mais ça ne lui apporte rien .
G. Goron : Dans le domaine traditionnel, je rejoins complètement Jean-Louis, je décernerai les victoires de la
musique à Tri Yann. C’est vrai qu’on est fier de ce qu’on fait, on le fait avec passion, même si on fait des
erreurs, au moins on essaie toujours d’améliorer ce qu’on fait. On n’a pas peur de ce qu’on fait, et on est en
parfaite osmose avec nous-mêmes. Dan Ar Bras et I Muvrini l’ont déjà eu, peut-être que Stivell ne l’a pas eu.
C’est peut-être un des seuls qui pourrait méritait, mais je crois que Tri Yann le mériterait également. Dans un
autre domaine, un coup de cœur, j’écoute tellement de chose. Une victoire de la musique, ce serait pour
quelqu’un qui soit français. Je ne sens pas trop de jeunes. J’aime bien des gens comme Higelin, des gens
comme ça aussi. Immédiatement, je n'ai pas de noms, alors qu’il y a tellement de gens qui ont du talent. Il
faudrait que je me pose un peu plus la question. Sinon, je décerne le prix d’une grande musique à Jimmy
Hendrix .
C. Le Helley : Dans le domaine accordéon diatonique, je décerne la victoire à Rémy Martin, à contacter à
(Plorivaux). Dans le domaine chanson réaliste française, je décerne la victoire au duo (Adèle et Léon). Dans le
domaine rondeau, je décerne la victoire à (Adam de la Halle), compositeur du III ième siècle. Dans le domaine
jazz, je décerne le prix aux Frères de la côte. Et dans le domaine musique classique, j’écoute rien en ce
moment, qu’est ce que je vais dire. Je suis embêté par la musique classique, je n’en écoute pas, je n’ai pas le
temps, j’écoute beaucoup plus de musique ancienne. On va dire (Jordi Saval), je crois qu’il mérite quelque
chose.
L.M. Seveno : Moi, je donnerai pas de victoires de la musique, car pour moi, c’est les victoires de la musique
vendue. Ce qui fait une grande nuance, c’est un truc de producteurs, de commerce. En ce moment, ce que
j’écoute est tellement particulier, c’est pas commercial : un violoniste de l’Inde du sud. Mais, je ne le vois pas
recevoir un prix de ce genre, parce qu’il fait n’est pas destiné à un large public. C’est tellement spécial, qu’au
niveau européen, les gens ne comprendraient pas ce qu’il joue. C’est une musique traditionnelle basée sur des
trucs de deux milles ans et plus.
J.P. Corbineau : Demandes ça à Jean-Louis, puisque souvent, c’est lui qui donne le déclic artistique. Je peux te
répondre que tout simplement, c’est pour ne pas toujours faire la même chose. Ca correspond peut-être moins à
ce qu’on ressent actuellement . Et surtout, que quand tu as une salle de 500 à 600 places, ça se fait beaucoup
plus facilement que devant des salles de 4 à 5 milles personnes comme en ce moment, voire 10 milles
personnes l’été dernier. Le truc de Tri Yann, c’est justement d’essayer de faire la même chose quel que soit le
nombre de personnes, mais c’est vrai que c’est plus compliqué de faire certaines scènes de théâtre, comme on
faisait à une certaine époque, devant un public nombreux. Mais je ne crois pas que ce soit la raison principale.
Tri Yann, avec les années, n’a pas envie de toujours faire la même chose. Le truc de Tri Yann, c’est de dire aux
gens : « vous voyez, vous venez nous voir depuis un certain temps, vous vous attendez à voir ça, et ce ne sera
pas tout à fait ça. Vous allez voir un petit peu autre chose ». A bien réfléchir, c’est plus ça la démarche, que le
nombre de personnes. Il y en a toujours qui auront une nostalgie quelconque. Je peux te dire que si on chante
telle chanson, on va nous dire pourquoi ne pas avoir fait celle-là. Le lendemain on fait celle-là, on va nous dire,
mais l’autre, elle est bien aussi. Tu comprends qu'on ne peut pas tout faire.
J.L. Jossic : On y reviendra, mais sous des formes différentes, parce qu’on se pose la question. Pour moi, cette
époque avait un grand intérêt, c’est justement cette participation. C’est tout à fait l’idée de la veillée, les gens
ne se contentaient pas de danser et de chanter, mais en plus, ils intervenaient comme acteurs. A un moment,
c’est vrai, on les faisait monter sur scène, ils jouaient dans ce que j’appellerai un sketch. Ce héros minable qui
s’appelait Super Breizh, c’est marrant, mais un moment. Faut pas tirer la corde sur des choses comme ça. C’est
intéressant si c’est inventif un moment et si très rapidement on tue le héros. Bon, on a tué Super Breizh. Je
crois qu’il ne reviendra pas celui-là. Par contre, le public, on essaiera d’ici un ou deux ans, de ramener sa
participation sous une autre forme. Déjà, des efforts pourraient être fait, mais pas forcément par nous. Le public
danse de moins en moins au concert de Tri Yann et c’est un peu dommage. Je pense que, comme il y a de plus
en plus de gens dans les formations, dans les cercles, à apprendre à danser l’andro, l’hanterdro, la gavotte ou le
fizel, c’est dommage que les gens dansent moins au concert. Peut-être que nous, on a une formule à trouver
pour apprendre aux gens avant les concerts, pour que des stages soient organisés quinze jours, trois semaines
avant qu’on passe. Mais non, sans blague, il y a des formules à trouver. Ca me vient comme ça à la tête tout
d’un coup. De ce coté là, ça pourrait être améliorer, et du coté de la participation du public aussi. Ca se fera
dans une forme plus poétique, moins gaudriole que Super Breizh. Actuellement, on explore plutôt la dimension
du conte sur scène. C’est autre chose qu’un sketch, plus poétique, c’est aussi plus intimiste, moins esbroufe,
moins brillant sans doute. Mais on préfère cette formule pour l’instant.
L’augmentation de la fréquentation des concerts contribue a la difficulté, parce que, plus il y a de monde dans une salle, plus il est difficile de la faire participer individuellement. Sur une salle de trois, quatre, cinq cents personnes, en faire monter dix sur scène, prendre son temps, s’installer dans une ambiance, c’est possible. Parce que tout le monde est à cinq ou dix mètres de la scène et donc on crée cette convivialité. Dans un plein air où le spectateur le plus loin, parce qu’ils sont cinq mille, six mille ou dix mille, est à cinquante, quatre vingt ou cent mètres, il ne peut pas y avoir cette convivialité de proximité. Il faut se baser sur autre chose. C’est vrai que le fait que le public se soit accru, ça ne nous aide pas dans ce domaine-là.
J.P. Corbineau : Oui, mais je préfère que les autres causent un peu de ça. Je pense que Jean-Louis pourra t’en parler avec plus de précision que moi. L’ONPL est une expérience fabuleuse. Avoir un orchestre, et essayer de voir ce que peut donner le son Tri Yann avec un orchestre symphonique, je n’aurais jamais cru qu’on le ferait. C’est une expérience où c’est eux qui étaient demandeur. J’espère que ça va se réaliser et qu’on va réussir. Ce n'est pas si facile que ça, et c’est une grosse interrogation. Rien que l’idée est positive, et par rapport à la techno dont on parlait tout à leur, on est ailleurs. Il ne faut pas faire trop de cloisonnement dans la musique.
J.L. Jossic : En ce qui concerne le projet qu’on a actuellement avec l’Orchestre National des Pays de la Loire,
un orchestre symphonique de plus de cent musiciens, l’idée est de reprendre des titres de Tri Yann qui à notre
avis, seront mieux s’ils sont joués avec l’accompagnement d’un grand orchestre. C’est-à-dire qu’au cour de
notre carrière, il nous est arrivé de remplacer par des synthétiseurs des choses qu’on aimerait faire avec des
cordes. Et puis, il y a certains titres où on s’est dit : on aurait bien aimé qu’il y ait un environnement différent
et pas seulement acoustique ou rock, mais également un environnement d’orchestre. Donc, ces titres-là, on va
les retravailler, refaire des arrangements. Puis, ça va être aussi le prétexte à faire de nouveaux titres et
principalement des titres qui sont des compositions de compositeurs bretons du XX ième siècle qui n’ont jamais
été proprement joués par un orchestre et qui à mon avis, méritent de l’être et en plus, en réintroduisant dans ces
partitions, qui étaient faites pour orchestre, des instruments traditionnels. Donc, en ajoutant une démarche que
ces gens-là n’ont pas forcément eu dans les années 20, 30 ou 50. Je pense à des titres comme (titre en breton) ,
même si ça a été chanté par d’autres, ça n’a jamais été fait par un orchestre, alors que Jeff Le Penvern, qui a
écrit ça, est un type qui composait pour orchestre. Et pourquoi pas une reprise du Bro Gozh ma zadou, qui est l’hymne
national breton. Et puis, des titres de Jean Cras (ndlr: amiral, incenteur d'instrument de navigation et compositeur), qui était un amiral de la marine nationale, qui emmenait
toujours un piano avec lui à bord, et qui a passé sa carrière à être un militaire qui s’éclatait davantage dans la
musique. Alors, on a envi de faire ça , et ce sera l’aboutissement vers un disque également, qui devrait sortir à
la fin de l’été, début de l’automne. Et puis, après, parallèlement , on travaille sur un disque Tri Yann, qui lui
sortira, si tout va bien, à la fin de l’année prochaine. Ce disque sera sur un thème, une espèce de ballade,
pourquoi pas du nord de l’Ecosse à la Galice, en passant par plein de régions. Une espèce de voyage un peu
initiatique qui se passe dans un temps qui pourrait être le temps des ducs, sans qu’on le reconnaisse, peut-être
un temps futur aussi, ou une espèce d’époque et dans des lieus un peu impalpable.
Denis : Avez-vous déjà des projets pour les trente ans du groupe ?
J.L. Jossic : Oh non, le projet essentiel, c’est d’essayer de les atteindre... Ca ne devrait pas être un gros problème.
Trente ans, c’est dans trois ans, on ne peut pas dire qu’on fixe avec trois ans d’avance, des projets de ce type.
On sait seulement que ce sera festif.
J.P. Corbineau : J’en sais rien du tout. Attend ! Non, je ne peux pas. Tri Yann, c’est plein de choses à la fois, ça
me fait penser à plein d’animaux.
J.L. Jossic: Ce serait un pou, parce que tout le monde déteste les poux. C’est un animal qui est haït, et donc, on
serait peinard, parce que personne ne viendrait nous voir, ni nous écouter.
J. Chocun : Tri Yann est un symbole de plusieurs animaux. Il y a un coté renard, c’est sur, un coté vieux loup
solitaire qui se traîne depuis un moment, un coté belette pour l’aspect furtif. Un animal sauvage assez
indomptable.
G. Goron : L’hippopotame, parce que popotam popotam popotam (bruits de batterie... rires), et je vais répondre à une autre question en même temps, ça vit dans
l’eau .
C. Le Helley : Je dirais un diplodocus. Je ne dirais pas pourquoi en l’égard à l’âge de mes partenaires.
L.M. Seveno : Un chien ! C’est un animal fougueux qui mange de la viande rouge. Il y a en beaucoup qui aime
la viande rouge dans le groupe. Un chien, ça mord quelque fois aussi, ça sait se défendre et ça a des réactions
auxquelles on ne s’attend pas forcément. Ca serait un chien de garde, qui arrive à garder ses limites, son
territoire et son fonctionnement propre.
Denis : Si Tri Yann était un élément ?
J.P. Corbineau : L’eau, la terre, le feu, c’est pas très original. On chante les trois éléments, je ne peux pas t’en
donner un. Je ne vais pas te dire que ta question est embarrassante, mais elle ne m’intéresse pas du tout. Les
autres seront peut-être bien meilleurs que moi sur ce coup-là. Je n’ai pas d’images qui ne viennent comme ça.
J.L. Jossic : Ah, c’est très difficile, parce qu’évidemment, on pense aux éléments de la mythologie celtique. Je
serai tenté de dire que c’est l’eau, parce que la Bretagne est un pays bordé par l’eau et ce qu’on oublie quelque
fois, c’est que c’est un pays qui est également irrigué par l’eau à l’intérieur. Ce n’est pas seulement un pays de
marins d’eau de mer, c’est également un pays de marins d’eau douce et de bateliers. De toute façon en
Bretagne, l’eau n’est pas seulement l’eau qui vient de la mer et des rivières, c’est aussi l’eau qui tombe du ciel.
Pour moi, c’est le grand élément breton.
Jean Chocun : C’est redoutable comme question. L’air, parce que ça transporte les odeurs, les sons.
G. Goron : La flotte à cause de l’hippopotame. Sans la flotte, l’hippopotame ne serait rien.
C. Le Helley : Les quatres, je ne vois pas. J’aurai dis l’air parce que je joue de la flûte, mais, Jean-Louis jette de
la terre sur scène.
L.M. Seveno : Terre, feu, eau. Je ne vois vraiment pas. Peut-être la terre, pour les inspirations traditionnelles.
Ce qu’on fait, c’est de la variété, alors ce serait de la terre maraîchère, où il y aurait beaucoup d’engrais dedans,
car ce qu’on fait, ce n’est pas forcément naturel. C’est le poireau qui a poussé trop vite quelque fois. La terre
maraîchère, c’est quelque chose de relativement récent qui n’est pas forcément une réussite, ni l’inverse.
Denis : Si Tri Yann était une saison ?
J.L. Jossic : Une saison ! Je préfère le printemps à l’été, parce que dans la mythologie celtique, il y a ceci de
particulier, quand on a atteint l’étape maximum de la maturité, l’apogée, l’été c’est l’apogée, l’éclosion, les
moissons, c’est déjà la mort. Alors que le printemps, c’est justement la naissance et le développement, c’est ce
qui conduit à l’éclosion de la vie, alors que l’été conduit à l’automne et à l’hiver.
L.M. Seveno : Peut-être l’automne, parce que les cheveux grisonnent.
Denis : Si Tri Yann était un homme politique ?
J.L. Jossic : Je pense déjà que ça ne pourrait pas être Le Pen, ça aurait peu de chance d’être De Villiers. Un
homme politique, c’est très difficile à dire. J’aurai envie que ce soit une femme politique. C’est-à-dire que ce
serait la duchesse Anne de Bretagne, parce que, cette femme qu’on prend souvent pour une duchesse en sabot,
reine de France pour les uns, petite duchesse pour les autres, était en réalité une femme extraordinaire et surtout
très ouverte sur le monde. Faut pas du tout la voir comme une bretonne fermée, c’est une femme qui a beaucoup
contribué à l’arrivée de la Renaissance en France, qui encourageait les peintres, les poètes, les écrivains, qui a
lancé des modes vestimentaires, c’est tout ce qu’on aime chez Tri Yann. C’est-à-dire à la fois, une profonde
attache à ses racines bretonnes, et aussi une extraordinaire ouverture sur le monde et l’innovation.
L.M. Seveno: Jean-Louis JOSSIC ! Un personnage local et culturel.
Denis : Si Tri Yann était une chanson ?
J.L. Jossic : Je crois que ce ne serait pas une chanson de Tri Yann, parce que déjà, quand on a répété une
chanson pendant des mois et des mois, elle a perdu de sa fraîcheur, même si on retrouve cette fraîcheur quand
on l’interprète devant le public. Nous, égoïstement, sans ce partage avec le public, si on partait sur une île
déserte, on n’emporterait pas une chanson de Tri Yann. Aucun d’entre nous, certainement. En dehors de ça, ça
dépend des moments. A l’instant, j’emmènerais une chanson de Richard Desjardins, qui est un chanteur
québécois, et la chanson s’appelle (Les Fraus). Très peu de gens connaissent Desjardins, et personne ne connaît
(Les Fraus »). Retrouvez-vous donc la dedans...
Jean Chocun : La Digue du Cul.
G. Goron : Je ne sais pas : Sacrée bouteille, jolie bouteille.
C. Le Helley : La prochaine qu’on va écrire. J’ai une dernière chose à dire : je m’insurge contre cet effet
Halloween, qui est une résurgence des nuits de la Samhain, apportée des irlandais, pervertie par les américains
et qui nous revient déformée. Vive les nuits de la Samhain !
L.M. Seveno : La Jument de Michao. Quand on parle de ça aux gens, ils savent tout de suite de quel groupe il
s’agit. Il est évident que même s’ils ne connaissent pas le groupe, ils connaissent cette chanson.
J.P. Corbineau :Oui, il s’agit d’Orvault, près de Nantes. Mais, en fait, c’est une image un peu écologique, et
derrière, comme dans beaucoup de sujets bretons ou celtes, il y a un second degré. En fait, lorsqu’on écoute la
chanson, ça a correspondu, à une époque où Jean-Louis était conseiller municipal, la municipalité a changé et
on le retrouve en fond dans la chanson (Ils ont tout balayé). Le texte a été changé par après pour arrondir un
peu la situation.
Dans le même genre, quelle est la signification de « La Dame de La
Roche » ?
J.P. Corbineau : C’est une histoire vraie, l’histoire d’une femme qui a séquestré , exploité quelqu’un dans la
région Du Mans. Jean-Louis a du lire un article dans Ouest France, et il a trouvé cette histoire tout à fait
extraordinaire. Il faut savoir que les gwerz, chez nous, servaient à raconter des histoires. Une gwerz est une
chanson dans laquelle on raconte un fait extraordinaire, comme cette dame bourgeoise qui a exploité
quelqu’un. C’est une histoire très triste, et on a trouvé que cela ferait une gwerz fantastique. C’est exprès si,
très souvent, Jean-Louis écrit les textes à la manière de ..., et pourtant c’est une histoire actuelle. C’est
exactement la démarche de Tri Yann, la tradition dans l’actualité.
J.P. Corbineau : Je crois que tu poses la question au pire du groupe dans ce domaine-là. Je ne sais pas bien ce
que c’est. Je vois les gens qui se branchent Internet, et je vois bien ce qu’ils y font. Ca permet de communiquer
avec le monde entier. Si tu me demandes si je trouve ça positif ou négatif, je suis en pleine interrogation. C’est
l’évolution du monde actuel. Si Internet est une manière de communiquer, c’est bien,. En même temps, je
préfère la communication directe à cette façon la de communiquer. On est entrain d’inventer une
communication artificielle. C’est complètement fou. On me parle de tout, de visite de musée, de voir de
tableaux sur Internet, alors qu’un tableau, c’est fabuleux si tu le regardes en direct. Qu’on puisse visiter un
musée à travers un petit écran, ça me paraît dingue. Je ne suis pas sûr que c'est très positif, j’arrive pas à me
dire que c’est vraiment fabuleux. Alors, j’ai vraiment l’impression que tout ça va s’affiner petit à petit, qu’on
va peut-être s’en servir dans certains domaines et moins dans d’autres. Mais visiter une forêt, c’est mon tripe la
forêt ou la nature, ou une région à travers un petit écran, je ne peux pas arriver à suivre. Ca m’attriste plus
qu’autre chose. Le sexe sur écran, j’arrive pas non plus à suivre. Je ne doute pas que cela puisse être un peu
excitant, n’empêche qu’on est totalement en plein artifice. Je ne sais pas ce que vont en dire les autres. Si c’est
un moyen de contact avec le monde entier, comme ça en deux secondes, c’est vrai que c’est très séduisant
aussi ; Je ne condamne pas dans la globalité, je trouve qu’il y a des emplois de l’Internet où j’ai du mal à
comprendre et à suivre. Visiter Nantes par l’Internet ou voir un animal courir sur mon petit écran, je ne peux
pas suivre. Mais certainement qu’on va utiliser ça d’une manière tout à fait fabuleuse. Je crois qu’il va y avoir
des tris. Mais comment l’utiliser d’une manière intelligente, je ne crois pas que se soit si facile. Je trouve qu’en
ce moment, c’est dans tous les sens, tous les domaines, et c’est vrai que j’ai du mal à suivre et à comprendre.
Comme toutes les choses neuves, il y aura sans doute du tri et de l’écrémage.
J.L. Jossic : Ce que j’en sais, c’est comme tout : c’est la meilleure ou la pire des choses. L’Internet me fait un
petit peu penser aujourd’hui à un jouet neuf, comme à une époque où on a, nous, utilisé le synthé. Tout
nouveau, tout beau, ca arrive, il y a plein de possibilités, et on en arrive à oublier avec les synthétiseurs qu’on
est entrain de copier des sons qui existent dans la nature, qui existent avec de vrais instruments. Et quand on en
arrive à ça, pour moi, ça devient terriblement con. Dans l’Internet, il y a un peu ce coté là et ce danger là aussi.
On parle de communication, et on communique de plus en plus avec des robots, alors qu’on communique
moins d'hommes à homme, de femme à femme, des gens de chair, d’os et de cœur. Et ça montre que, sur le
plan de la communication, notre société a un peu la tête dans le sac en ce moment, est obligée d’inventer des
trucs pour contourner cette absence de communication. Si Internet, c’est ça : ça ne me plaît pas. Si c’est des
possibilités, sur des choses simples, avec des gens qu’on ne rencontre pas parce qu’ils habitent à l autre bout du
monde, de faire un petit bout de pas ensemble vers la connaissance de quelque chose, là du coup, ça
m’intéresse. Un deuxième inconvénient que je vois à Internet, c’est comme tout ce qui fait appel à une
technologie très sophistiquée, c’est que ça coûte extrêmement cher. Et par rapport au nombre de consultations
qui sont faites, ça devient donc un moyen extraordinaire de faire du fric pour des boîtes de communication qui
casent des études et des programmes internet à des deux cent, trois cent, cinq cent milles balles. Et je voudrais
bien savoir quel est le prix de revient d’une communication d’internet sur de tels programmes lorsqu’ils sont
consultés par vingt personnes par jour dans le monde. Et encore, si c’est vingt personnes, on est bon. Je dis bien
que c’est un outil qui est très intéressant, qui peut être extraordinaire, dont on ne connaît pas toutes les
possibilités. Mais à partir du moment où on l’enferme dans des histoires de fric et dans des histoires robotiques,
ça ne m’intéresse pas. Il faut à un moment qu’Internet trouve sa place réelle, cesse de partir dans certains excès
d’inutilité totale, et, au contraire, se cernent autour de missions bien précises et utiles. Ce n'est pas un jouet, et
il faut apprendre à s’en servir. C’est une possibilité technique extraordinaire.
Jean Chocun : Moi, je me refuse pour l’instant à m’équiper, mais je pense qu’il va falloir y venir un jour. Quand
notre nouveau local de répétition sera au point, on s’équipera. Mais, je me refuse à avoir ça dans mon bureau,
ça va me prendre trop de temps. Je pense que c’est une évolution intelligente du Minitel, qui est quelque chose
que j’utilise beaucoup. C’est effectivement une extrapolation de ces possibilités, ça me paraît intéressant, ça
doit bouffer énormément de temps. Si on n'est pas directement connecté, en dehors du site que vous exploitez
avec Déclic, c’est parce que c’est trop contraignant et que ça prend trop de temps. C’est comme un ordinateur,
à partir du moment où tu mets le nez là-dedans, tu ne le quittes pas. Donc, on tient encore un petit peu à notre
vie de famille, à avoir du loisir, et à partir du moment où Internet n’est pas notre loisir principal. Je pense que
c’est l’évolution, c’est le modernisme, et qui est en passe de devenir inévitable.
G. Goron : Moi, je refuse de parler à un écran qui ne bouge pas. Il faut du sensuel, il faut palper. J’ai des
ordinateurs pour la musique, l’ordinateur ça sert, mais la communication par Internet, ça me gonfle
littéralement. Ceci dit, si c’est un instrument de communication pour aller à l’autre bout du monde, OK, mais
je préfère le contact direct. En plus, j’ai vu des images Internet où les filles, même à poil, elles ne sont pas
nettes. C’est dommage.
C. Le Helley : Je connais un outil de communication extrêmement poussé, que je préfère beaucoup à Internet,
qui est maintenant dépassé, ça s’appelle : Le Bar. Tu vas dans un bar, tu rencontres des gens que tu ne connais
pas, et tu communiques bien mieux que sur Internet. Le seul danger que je vois par rapport à Internet, c’est que
les gens se rencontrent par rapport à des intérêts communs. L’intérêt d’un bar, c’est que tu y rencontres des
gens de tout horizon. J’ai peur que ça serve à relier des gens d’intérêt commun, et non pas de gens différents.
L.M. Seveno : Les informations que j’ai eues sur Internet, je les dois à Jean-Michel, le gars qui nous fait les
retours. Il est branché à fond là-dessus et il m’en a vaguement parlé. A priori, je ne suis pas spécialiste des
ordinateurs et de ce genre de truc. Je ne dis pas que je n’aurais pas un jour Internet à la maison, mais ce n’est
pas la priorité du tout. Je préfère m’occuper d’abord des gamins et de la famille du mieux que je peux. Internet,
pourquoi pas, si ça peut servir après. Avec les gamins, tôt ou tard, l’ordinateur viendra et Internet pour la
culture et apprendre. J’attends rien dans site sur Tri Yann, puisque je connais Tri Yann. Je crois que les gens
qui regardent ça sont des fans mordus, qui se dirait : Tiens, j’ai un copain qui a Internet, on va regarder ce qu’il
y a sur Tri Yann. Autrement, je ne crois pas que les autres personnes regarderaient spécialement.